
Retrouver une relation saine avec le sport

Rédigé par Claire SENTANDREU, Psychologue clinicienne
Cette année va se dérouler les jeux olympiques à Paris. Pour cette occasion, nous vous proposons la lecture d’un article qui évoque la pratique sportive et le trouble alimentaire. Comme nous le savons, le sport a souvent été proscrit dans l’accompagnement des personnes souffrant de trouble alimentaire. Cette activité était souvent sujette à des peurs ou des angoisses des proches voire des professionnels qui, souvent, s’inquiétaient d’une aggravation de la perte de poids dans le cas d’anorexie mais aussi d’une aggravation de l’addiction au sport, dans le cas de bigorexie. L’étude de Davis & Kaptan, (2006), montre d’ailleurs qu’une grande majorité des patients souffrant d’anorexie ont une hyperactivité physique.
Nous encourageons la prise en charge pluridisciplinaire dans le cadre d’un accompagnement TCA. En plus d’un suivi médical, psychologique ou encore nutritionnel, il peut être intéressant de se tourner vers l’enseignant APA (activité physique adapté). Les missions de ce professionnel sont de proposer une activité physique adapté aux problématiques physiques et psychiques du patient. Il peut aussi bien s’agir de prise en charge individuelle que groupale. De Matos, Calmeiro et Da Fonseca (2009), soutiennent qu’il existe des bénéfices sur le bien être psychologique grâce à cette activité.
L’APA a plusieurs visées thérapeutiques dont une visée psychologique. En nous penchant sur le versant psychologique du sport, cela nous amène à nous interroger sur la question de l’image du corps mais aussi de l’identité. Faire du sport dans un autre contexte que le TCA permet-il d’améliorer la perception de son corps ? Permet-il de (re)créer un sentiment d’identité voire d’appartenance ?
L’étude de Hausenblas et Fallon (2002) a démontré l’importance de la pratique d’une activité physique (ici, adaptée) dans l’amélioration de l’estime, mais aussi, dans la diminution de la dépression, de l’anxiété ainsi que de l’insatisfaction corporelle. Biddle et Mutrie (2001) avait déjà évoqué les bienfaits thérapeutiques d’une pratique sportive régulière. Dans le cas des TCA, l’idée n’est donc pas de supprimer les séances de sport mais de les poursuivre dans un cadre contenant et soutenant.
On constate aussi dans la littérature que la pratique APA est également un levier quant à l’expression des émotions. Le sport permet de libérer les émotions dites « désagréables » et de, si nous pouvons nous permettre l’expression, se libérer d’un poids (Vandereycken, Depreitere et Probst, 1987).
Pour en revenir à l’image du corps, nous nous apercevons que l’APA est un moyen de se réapproprier son corps par les différents mouvements, de le mettre en action en utilisant l’espace proposé et de se reconnecter à ses sensations. En cherchant plus loin, ce travail sur l’image du corps est un travail plus profond sur le sentiment d’identité, le sentiment de continuité de soi. En d’autres mots, le sport adapté va permettre, en douceur, de reconnecter corps et esprit, qui se trouvent dissocier dans le trouble alimentaire. Cette réintégration du corps dans l’esprit et de l’esprit dans le corps vient consolider l’estime que l’on se porte et surtout vient renforcer la connaissance de soi. Cet équilibre, une fois retrouvé, est la clé pour être en parfaite congruence avec soi-même.
L’APA est alors une excellente alternative pour renouer un lien sain et adapté à la pratique sportive. Elle va permettre de reprendre plaisir dans le sport mais aussi d’améliorer la confiance en soi ainsi que l’estime de soi, favorisant ainsi la diminution des troubles alimentaire. L’APA permet de retrouver un équilibre dans la vie du patient. Le sport n’est alors plus vécu comme une corvée ou une obligation pour son corps mais est vécu comme un temps de décompression voire de détente physique et psychique. Le travail de l’enseignant APA est en réalité de venir déconstruire les croyances liées à l’activité physique et de reconditionner les pensées et comportements de manière à ce que le sport soit réellement bénéfique pour la santé. Alors, pratiquer du sport oui ! Mais le pratiquer dans les bonnes conditions !
Bibliographie
Biddle, S. J. H., & Mutrie, N. (2001). Psychology of physical activity: Determinants, well-being and interventions. [La psychologie de l’activité physique: Déterminants, santé et interventions]. London: Routledge.
Davis, C., & Kaptan, S. (2006). Anorexia Nervosa with excessive exercise: a phenotype with close links to obsessive-compulsive disorders. Psychiatry Research, 142, 209-217.
De Matos, M. G., Calmeiro, L., & Da Fonseca, D. (2009). Effet de l’activité physique sur l’anxiété et la dépression. Press Med, 38, 734-739.
Hausenblas, H. A., & Fallon, E. A. (2002). Relationship among body image, exercise behavior, and exercise dependence symptoms. International Journal of Eating Disorders, 32,179-185.
Hausenblas, H. A., Cook, B. J., & Chittester, N. I. (2008). Can exercise treat eating disorders ? Exercise And Sport Sciences Reviews, 36(1), 43‑47. https://doi.org/10.1097/jes.0b013e31815e4040
Peut-on soigner l’anorexie par l’activité physique adaptée ? (s. d.). What’s Up Doc. https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/peut-soigner-lanorexie-par-lactivite-physique-adaptee
Vandereycken, W., Depreitere, L., & Probst, M. (1987). Body-oriented therapy for anorexia nervosa patients. American Journal of Psychotherapy, 41(2), 252-259.